Disque vinyle 33 tours, label Circus Company
13 titres, 42mn22s
Sorti il y a maintenant plus de 10 ans, en 2021, faut-il vraiment présenter cet album devenu depuis un classique de la musique électronique ?
Nicolas Jaar n'était pas encore diplômé quand il a sorti cet album. Quatre ans après ses débuts sur le label de Brooklyn Wolf + Lamb, et la suite très appréciée "Time for Us", dont le slow-jam glacial avait poussé les journalistes à devoir réinventer leur vocabulaire descriptif, le New-Yorkais de 20 ans d'origine chilienne revient à Circus Company avec "Space is Only Noise", un manifeste sans compromis sur les traces du passé, l'amour perdu et les spectres du futur.
Jaar a clairement fait comprendre au cours de son catalogue naissant et de ses sets live de plus en plus recherchés que le défi fait partie intégrante de son discours créatif. Rares sont les producteurs de tout âge ayant le courage de dérouler un tempo inférieur à 100 bpm aux heures de pointe dans la Mecque techno de Berlin, et moins encore sont ceux qui reçoivent une réponse extatique les mains en l'air pour leurs efforts précoces. C'est précisément ce sens du risque qui élève "Space is Only Noise" au-delà du domaine du premier effort vaillant ou de la bizarrerie de la dance music crossover. Ceux qui cherchent à patauger dans la mer des influences potentielles de Jaar se retrouveront rapidement dans les eaux profondes de l'âge d'or des disques Factory, de la maison Mille Plateaux, de DJ Shadow sans oublier Erik Satie.
Jaar entraîne doucement son auditeur dans une expérience dès les sons d'ouverture sur "Être", mais passe rapidement aux percussions sophistiquées et aux mélodies sinueuses qui caractérisent son son. Jaar cherche, et trouve souvent, la beauté dans la mélancolie sur les premiers morceaux de l'album. Alors que l'album commence à s'accélérer avec "Too many kids finding rain in the dust", Jaar nous confronte à la réalité souvent oubliée que notre tristesse se retrouve parfois sur le dancefloor.
Soudain, sur "Keep me there", la voix de Jaar apparaît sur la délicieuse mélodie grondante. "We’re in a really bad bed, right" remarque-t-il. "Mm– it’s not really a bed. It’s like a balloon”, répond une voix féminine sensuelle alors que les voix partent toutes les 2 dans un fou rire. Bien que vos hanches bougent au rythme de la ligne de basse implacable et de la sensualité des voix, votre cœur vous est arraché lorsque les cors éclatent quelques secondes plus tard.
"Space is Only Noise" était un tour de force avec peu d'équivalents modernes - même 10 ans après, et une merveilleuse introduction au travail d'un des producteurs les plus excitants de la musique électronique.